Certains enfants refusent catégoriquement de goûter de nouveaux aliments. D’autres ne supportent pas certaines textures, recrachent dès la première bouchée, ou mangent très peu, de façon très sélective. Quand l’alimentation devient une source de stress pour l’enfant (et pour nous, les parents), on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un trouble de l’oralité.
Ces troubles sont encore méconnus, parfois confondus avec du « caprice » ou un enfant « difficile ». Pourtant, ils relèvent souvent d’un véritable inconfort sensoriel ou moteur, et peuvent être pris en charge efficacement.
Dans cet article, faisons le point sur les signes qui doivent alerter et les conseils concrets d’orthophonistes pour aider nos enfants à apprivoiser l’alimentation.

Qu’est-ce qu’un trouble de l’oralité alimentaire ?
Les troubles de l’oralité désignent des difficultés liées à la sphère oro-faciale : bouche, lèvres, langue, mâchoires… mais aussi au système sensoriel (goût, odorat, toucher, proprioception).
Chez certains enfants, ces troubles se traduisent par une aversion marquée pour certaines textures, un refus de mâcher, des haut-le-cœur, une peur de s’étouffer, ou encore une alimentation très restreinte à quelques aliments « sécurisants ».
Ils peuvent avoir différentes origines :
- Prématurité ou hospitalisations précoces
- Troubles neuromoteurs ou sensoriels
- Difficultés de succion ou de déglutition dans la petite enfance
- Hypersensibilité sensorielle
Quels sont les signes à repérer ?
Voici quelques signes qui peuvent évoquer un trouble de l’oralité :
- L’enfant mange un nombre très limité d’aliments (moins de 20)
- Il refuse catégoriquement toute nouveauté alimentaire
- Il ne supporte pas certaines textures : filandreux, croquant, purée, liquide…
- Il crache, vomit ou fait un haut-le-cœur à certains aliments
- Il met très longtemps à mastiquer ou garde les aliments dans sa bouche
- Il n’explore pas les jouets avec la bouche bébé (signes précoces)
- Il refuse le brossage de dents ou les soins autour de la bouche
- Il a peur de manger ou manifeste un stress intense à table
Si ces signes sont durables, intenses et provoquent des tensions autour des repas, il est important d’en parler à un professionnel, notamment un orthophoniste spécialisé en alimentation pédiatrique.
Les conseils des orthophonistes pour accompagner l’enfant
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des solutions. L’objectif n’est pas de forcer, mais de redonner confiance à l’enfant dans la relation à l’aliment, en douceur et sans pression.
Voici quelques stratégies recommandées par les spécialistes :
1. Cuisiner ensemble
Faire participer l’enfant à la préparation des repas permet de créer un lien positif avec l’aliment, sans obligation de le manger. Il touche, sent, observe, ce qui favorise la désensibilisation sensorielle.
Par exemple : laver les légumes, verser la farine, mélanger une pâte, couper avec un couteau adapté…
2. Explorer les aliments avec les 5 sens
Avant même de goûter, on peut proposer à l’enfant de sentir, toucher, regarder, écouter (le bruit d’un aliment croquant) un aliment nouveau. Cela l’aide à apprivoiser en douceur.
On peut aussi jouer : trier les aliments par couleur, créer des visages dans l’assiette, inventer une histoire autour de la nourriture.
3. Ne jamais forcer à manger
Forcer, menacer, ou insister pour “au moins goûter” renforce le blocage. Il est préférable d’offrir un cadre sécurisant, où l’enfant sait qu’il pourra refuser.
Une phrase clé à retenir : “Tu as le droit de ne pas aimer, mais tu peux explorer”.
4. Proposer plusieurs fois le même aliment
Il faut parfois jusqu’à 15 à 20 expositions pour qu’un enfant accepte de goûter un nouvel aliment. C’est normal. L’aliment doit être présenté régulièrement, dans un contexte détendu, et sous différentes formes : cru, cuit, en purée, râpé, en soupe, etc.
5. Diversifier les textures progressivement
Certains enfants ont du mal à passer des purées aux morceaux. On peut proposer des textures intermédiaires : purées avec petits morceaux, aliments moelleux à mâcher (pomme râpée, avocat, banane, pain de mie…).
Il existe aussi des jeux d’oralité avec des brosses sensorielles, des pailles, ou des exercices de souffle pour améliorer les capacités motrices de la bouche.
Quand consulter un orthophoniste ?
Si les difficultés sont marquées, durent dans le temps, ou impactent la croissance ou la vie familiale, il est essentiel de consulter. Un bilan orthophonique permettra de déterminer s’il s’agit d’un trouble de l’oralité, et de mettre en place un accompagnement adapté.
Dans certains cas, d’autres professionnels peuvent être impliqués : pédiatre, ergothérapeute, psychomotricien, diététicien spécialisé en pédiatrie.
En résumé : patience, bienveillance et petits pas
Les troubles de l’oralité peuvent être très déstabilisants pour les parents. Il n’est jamais facile de voir son enfant en difficulté à table. Mais avec un cadre sécurisant, des gestes quotidiens bienveillants et un accompagnement adapté, la plupart des enfants progressent, à leur rythme.
L’objectif n’est pas de “manger comme les autres” mais de retrouver du plaisir autour du repas, sans pression, ni stress.